Le poème court japonais d’aujourd’hui - Présentation et traduction : Corinne Atlan et Zéno Bianu - Poésie Gallimard. 2007
Extraits :
Comme ceux qui ont vécu longtemps
mes pupilles s’entourent
d’un halo laiteux
Kaneko Tôta
Hiroshima –
j’ouvre enfin la bouche
pour manger un œuf
Saitô Sanki
En un mot le haïku dit la blessure, la joie… et l’évanescence des choses.
Rouge sans fond des érables –
impuissant
les larmes m’envahissent
Takahama Kyoshi
''Autant et peut être plus encore qu’un poème, le haïku est un mode de vie, un style d’être (…) une perception autre des êtres et des choses.''
Même derrière les barreaux
on peut souffler
des bulles de savon
Hirahata Seitô
Dans un coin de mon ventre
il y a le ciel
de Pearl Harbour
Takahashi Shizumi
Neige à la fenêtre –
je porte avec moi
la radio de mes os
Tagawa Hiryoshi
Le plus grands maîtres du haïku : Bashô, Issa, Buson, Shiki...
’’Takuboku meurt à vingt-sept ans, ayant, du fond même de la misère humaine, jeté vers le ciel trop haut et la terre trop sourde la plainte la plus désespérée de toute la poésie japonaise.’’ G. Bonneau 1938
Par la fenêtre du wagon
jusqu’à trois fois j’ai regardé ces noms de villes
qui me furent familiers
qui me furent familiers
Enfant il couvrit d’excréments
le parapet d’un pont
raconte-t-il, pourtant si tristement
Par une nuit profonde
descendu à la gare de Kutchiyan
à la tempe d’une femme, une cicatrice
Poétesse japonaise du XVIIIème siècle.
je bois à la source,
oubliant que je porte
du rouge aux lèvres.
Sur son lit de mort, elle dicte ses derniers mots :
j’aurai vu la lune aussi
à ce monde
adieu
Collection la table ronde
Haîjins japonaises du XVIIème siècle à nos jours.
sur cette plage
où nous nous sommes aimés,
un crabe court.
Masajo Suzuki (1906-2003)
J'arrose,
pensant pouvoir
vivre encore.
Toshiko Tonomura (1908-2000)
Ah, si je pouvais
envoyer par fax
un pré d'astragale!
Miyoko Hashimoto (1925- )
Un papillon prie, aussi,
en fermant les ailes.
anniversaire de la bombe A.
Kazué Asakura (1934-2001)
Certainement l’un des auteurs les plus touchant, tant par sa banalité, sa tristesse et solitude que par son humour et sa gratitude. Il eu cinq enfants, les perdit tous ainsi que sa première compagne. Sa maison brûle. Issa est de constitution fragile, il meurt avant la naissance de son sixième enfant qui lui survécu.
(Les deux premiers textes sont dédiés à l’un de ses fils, avant sa mort).
deviens un roc
mon Petit caillou
Ishitaro
juste une fois encore
ouvre tes yeux
le potage du nouvel an
cet œillet
pourquoi s’est il cassé ?
mais pourquoi donc s’est il cassé ?
même distribuer du riz
est un crime
les poules se chamaillent
par un trou dans le mur
le premier ciel de l’année pour moi aussi
est splendide
un monde de souffrance
même quand les cerisiers
sont en fleurs
quand es-tu venu
jusqu’à mes pieds
escargot ?
première neige
un sacré trésor
ce vieux pot de chambre
pissant
un trou tout droit
dans la neige devant la porte
il a remarqué que j’étais un vieillard
le moustique siffle
tout prés de mes oreilles
de mon vieux corps
même devant l’épouvantail
j’ai honte
quand on est vieux
même la longueur de la journée
est cause de larmes
Le petit ver
descend du toit
Par un fil tissé de sa propre merde
La mayonnaise —
la mayonnaise arrive en boîte
par la rivière
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